Impressions d’une auditrice suite à l’un de ses concerts au Théâtre des Champs-Elysées à Paris :
Averse d’automne
Soir d’octobre. Sur la scène, les violons et les altos allument leurs feux d’acajou. Du premier balcon, leurs courbes rousses font penser aux feuilles d’automne qui, dehors, habillent pour quelques jours encore les arbres de Paris.
Devant, vertical et vibrant, le violoncelle attend. Il les laisse partir, lui ouvrir le chemin, annoncer sa venue peut-être. Et puis il les rejoint.
C’est un fil qui ondoie, s’enroule et se déroule au gré du vent d’automne. Tellement soyeux qu’on voudrait pouvoir le caresser du bout des doigts. Mais c’est l’oreille qu’il vient frôler. L’oreille et le cœur.
L’archet s’ébat, vivace et primesautier : il gambade, il taquine les violons, il escalade et dégringole la gamme avec entrain... Un bourdonnement d’abeille nous rappelle que l’été n’est pas si loin. Le fil de soie semble aller où il veut, il vagabonde avec une tranquille liberté ; peut-être même s’aventure-t-il dans des arabesques non écrites, inventées dans l’instant qui palpite.
Mais on va vers l’hiver. L’orchestre parfois se tait. Ne reste plus alors que le chant du violoncelle, grave et profond, qui occupe tout l’espace puis s’étire jusqu’au murmure. Un silence, une corde pincée... la salle frissonne.
Le fil de soie ne l’a entraînée là que pour mieux la faire chavirer, dans cette valse lente, suspendue, déchirante. Tiens... il pleut. Une goutte est tombée sur ma main. Et puis une autre, et une autre encore. La voix du violoncelle pleure et moi aussi. Merci, Dominique, pour cet instant si pur.
Sophie GUILLOU, écrivain